Dans la joie jusqu’au cou…Tous les coups sont permis! – L’histoire

A la recherche d’une nouvelle grosse bêtise, on s’est dit que de faire une tournée d’adieux, une vraie cette fois, cela serait bien marrant. Y’aurait pour une fois, un bel « Happy-End ». Parce que les histoires tristes, celles qui finissent mal, y’en a marre.

Double album « Dans la joie jusqu’au cou… Tous les coups sont permis ! »
Sortie le 30 janvier 2012

On n’a jamais rien calculé, peut-être c’est mieux, peut-être pas, mais c’est comme ça qu’on l’a fait.

Savoir où cela allait nous mener, on s’en foutait. Le seul mot d’ordre était « Let’s go », comme dans la chanson des Ramones.
La seule envie était de bousculer les certitudes et de taquiner les petits poseurs du rock’n’roll. On trouvait amusant de prendre volontai- rement le nom le plus handicapant possible, le plus potache, juste pour voir jusqu’où cela nous conduirait dans ce monde du paraître et de la frime, en se fiant à nos devises : « Méfiez vous des apparences » « L’alibi ne fait pas l’âne »

En se déguisant, nous changeons de peau, nous sommes quelqu’un d’autre, un peu comme Docteur Jekyll et Mister Hyde.

La scène est pour nous l’occasion de faire et de donner tout ce qui est très difficile, voire impos- sible dans le réel.

On a joué partout, dans toutes les conditions, pour toutes les occasions mais à la tête du client quand même, faut avoir des principes. Rapidement on est passé des concerts dans les M.J.C. aux plein air.
On s’est retrouvé en 1991 représentants du Nord pas de Calais au Printemps de Bourges. L’antenne régionale avait toutefois vivement conseillé à notre bassiste de retirer son bas. L’époque n’était plus au Glam Rock. Une cassette envoyée dans quelques bars bretons nous a fait visiter cette région de long en large. Certains tauliers proposaient même de casser un mur de leur bar trop petit, pour nous accueillir le soir.

On partait en tournée avec nos tentes canadiennes, qu’on avait souvent des difficultés à monter en pleine nuit. Heureusement, on savait séduire, donc de gentilles âmes sœurs nous ont souvent offert le gite.
En 1995, on avait visité une bonne partie des villes Françaises. Y’avait même pas l’idée de faire un disque, ce sont les premiers fans qui nous ont poussés. Ils voulaient pouvoir déconner sur nos chansons à leur maison. On a lancé une souscription, 300 personnes ont filé 100 Francs (s’ils avaient été dix mille, on se s’rait p’être barrés avec le blé). Y’avait eu bien sûr une toute première K7 et peu après un CD 5 titres qu’on filait aux organisateurs et qu’on vendait un peu à la sortie des concerts.

Le premier album est sorti en 1996 sous le gentil titre de « Sale Bâtard ». Cela nous faisait marrer d’imaginer les gamins demander : « Est-ce que vous avez l’album des Marcel, Sale Bâtard ? ».
Des chansons telles que « BRRR », « la 7ème compagnie », « Pantoufles… » deviennent des incontournables dans toutes les bonnes soi- rées délirantes.

« On n’attendait rien, on recevait tout avec le même plaisir »

Héritiers de l’esprit des groupes punks alternatifs, on envoyait des cartons de disques dans plein de bars où on avait joué, et quand c’était vendu, ils envoyaient l’oseille. Sans aucune embrouille.
Puis tout s’est accéléré, un distributeur de métal indépendant, Tripsichord, nous a proposé une collaboration et les ventes ont explosé.

Rapidement on a ficelé le deuxième album « Crâne pas t’es chauve » en 1998 et les premières grosses tournées avec tour bus, festivals… se sont enchainées.
Les titres « Comme un balai », « Si ça rapporte », « Body building », « Les vaches » s’ajoutent aux classiques et « La fée dépovga » devient prétexte à une chorégraphie hallucinante lors des concerts.

Souvent on affichait complet, la classe. Sans tapage médiatique, le groupe mettait le feu partout, pendant 5 ans on a pas vraiment posé les sacs.

Suivent les albums « Si t’en reveux y’en re n’a », en 2001 où en avouant notre penchant pour les « Femmes Mûres », on se retrouve avec une scène chaque fois envahie par de jolies nanas désireuses d’afficher leur mine émancipée.

En 2003, arrive « Un pour tous chacun ma gueule » avec les rotations du clip « Fil à retordre », et le titre « Soleil dans les bouchons » sur les ondes.

Lorsqu’en 2003 les victoires de la musique ont créé la catégorie révélation scène, on s’est vu nominés. Arrive alors le DVD « Bornes to be en live » en 2005, qui témoigne de l’hystérie des concerts.

Vient ensuite l’album « E=CM2 » où la collaboration avec Greenpeace sur le titre « CO2 », nous amène à Biscarosse, pour dénoncer la violation du traité de non-prolifération de l’arme atomique dans une ville encerclée par les hélicos. Cet album nous a aussi permis de rencontrer la vraie, l’horrible Nelly Oleson, curieuse de voir qui était ces frenchies qui avaient écrit « La Famille Ingall’s », et le titre « Bonne Fête Maman » anime depuis, bon nombre de fêtes des mères.

En 2009 sort « Bon Chic Bon Genre » où les chansons rebelles ou encore légères et déconnantes s’effacent un peu, pour laisser davantage de place à la tendresse « Tuma » , « Elle veut plus m’donner la main »…
Le clip « Nous n’avons plus les moyens » ré-enfonce néanmoins le clou, en montrant que l’actualité croquée à la sauce Marcel reste très épicée.

Tous les événements, toutes les chansons étaient prétexte à une gentille sottise. Depuis les Francofolies où, pour la première fois, notre bateau pneumatique a bravé la foule bien agitée, en passant par les Vieilles Charrues affublés de jolies moustaches, où encore aux Solidays avec un faux bronzage qui a dégouliné tout le concert…

Et nous voilà vingt ans après, la tête pleine de milliers d’anecdotes, de grandes joies, de drames parfois….

Voilà 20 ans, peut-être même plus, qu’à contre vents, en se marrant, sans se soucier des modes, de la branchitude, des codes et des façons que Marcel trimbale son mauvais esprit, ses riffs et ses refrains convulsifs sur toutes les scènes, de la plus modeste à la plus prestigieuse.

Si le rock’n’roll est au départ un cri, un besoin de sortir du cadre, du rang,
si le rock’n’roll est le moment où on met à mal les codes de bonne conduite, où on peut rire de l’institution, de la religion, alors… Alors le rock’n’ roll est né dans le Nord pas de Calais et s’appelle Carnaval !
Si le carnaval est un exutoire, Marcel et son orchestre en est l’un des meilleurs ambassadeurs.

Marcel a fabriqué son look en prenant le parfait contre-pied de la rock’n’roll attitude, en accumulant les fautes de goût avec une joie jamais dissimulée. Les entrepôts du Secours populaire nous y ont bien aidés.
Dans cette époque où même les rockeurs ont moins d’audace vestimentaire que les agents d’assurance, Marcel a créé un espace où il n’y avait plus de frontière entre le groupe et le public. Il n’y avait plus d’un côté le groupe et de l’autre les spectateurs, mais une fête. Une fête exubérante, débridée et salutaire.

Ce qui nous est arrivé est 1000 fois au dessus de ce que nous avions imaginé. En démarrant cette aventure à la toute fin des années 80, l’idée était juste de trouver le moyen de ne pas trop s’faire chier.

On naviguait à vue, sans aucun plan de carrière.
Pendant plusieurs années, on se foutait de déposer les chansons à la Sacem, sur les déclarations de cette vénérable institution, on signait le pape, Alain Delon ou encore ta mère…. On ne savait même pas ce qu’était l’intermittence du spectacle.
On a du cadrer le bazar car on était de plus en plus visible et réellement hors la loi.

Voici donc notre dernier disque. Nos dernières grosses bêtises.

L’époque est à la rigueur et à l’austérité,
Les dirigeants remontent les bretelles aux fraudeurs
Et invitent les autres à se serrer la ceinture ?
Il faut faire des économies ?
Pour les Marcel, pas question de renoncer, plutôt tout perdre que de céder.
Faisons un double album comme à la grande époque de l’opulence (en ligue 1)
2 disques pour le prix d’un, pas moins de 27 titres, presque autant que le Sandinista des Clash. Commençons donc par le « beginning », puisque c’est quand même et avant tout de la musique.

Marcel revient aux sources de ses influences en recher- chant chez Louis Jourdan et les groupes garage Twist, le son du rock’n’ roll des origines. Cette musique libératrice, convulsive, faussement simple et bien frontale que le groupe affectionne a engendré les morceaux aux couleurs sixties telles que « L’amour dans le nord », « Si ça tombe ».

Chez les Marcel aucun keupon ne sommeille, les neurones à crêtes s’agitent et convulsent à la moindre occasion, ils ne sa- vent pas faire autrement (« A qui cela profite », « Je sais pas faire autrement »).

Dans des titres comme « Cerf volant », Marcel affiche une ten- dresse et une sensibilité pas si fréquentes chez les rockers qui aiment se moquer des beaufs mais qui n’ont pas souvent ce recul pour eux-même. Les hommes et leur virilité (« Femmes insatisfaites »), les héros du quotidien (« Normal man »), sujets assez récurrents chez Marcel, sont cette fois encore une jolie photographie de personnes que nous avons tous croisés. La version punk rock des « Singes », est certainement un juste retour des choses, et un bel hommage, puisque Brel a été l’une des premières très fortes émotions de Mouloud.

Avant de passer à la postérité ou histoire d’ouvrir cette voie, Marcel se reprend et se revisite dans un exercice d’auto dé- tournement de 14 titres de son répertoire, avec même un iné- dit « C’était pas ton jour ».

Du contre pied parfait pour la version des « Neurones à crêtes », en passant par une version bossa easy-listenning pour « Pro- cebal » où encore une version délirante de la « 7ème com- pagnie en Jamaïque », l’exercice est désopilant, et rappelle que ces sept là, sont, sous leurs dehors de clowns punks, des musiciens capables de dominer la plupart des registres.

Voici donc la nouvelle production des Marcel, nouveau look ou retour aux sources, c’est selon.
On laisse les agences de notation distribuer ou enlever des A, les Marcel auront offert avec leurs trois D (Danse Déconne Dénonce) un parfait contre-pied à la morosité ambiante, un antidépresseur qui aurait du être remboursé par la sécurité sociale.